Fiches,  Médecine Générale

Les traitements de la BPCO : « Il faut que tu respires »

Après s’être focalisé sur les traitements de l’asthme la semaine dernière, voilà, comme demandé, la fiche de l’algorithme des traitements de la BPCO !

Oyé, oyé : comme toujours, il s’agit d’une proposition ; je ne prétends pas détenir la vérité absolue, il s’agit du résultat de mes recherches personnelles et remarques que je me fais au cabinet durant mes consultations. Je suis toujours ouverte à une discussion courtoise et constructive 😉.

On part donc des recommandations GOLD 2023 (la synthèse de tout ce qui est disponible à ce jour sur le sujet a été réalisée par le @DrAgibus ici). Les catégories de BPCO sont classées selon le CAT (COPD Assessment Test) et le mMRC (échelle de dyspnée modifiée du Medical Research Council, coucou la HAS 2020) : y’a juste à cliquer sur les liens pour accéder aux tests, c’est totalement faisable en consultation !

Suggestion d'un algorithme de traitement de la BPCO selon les dernières études et la sévérité des symptômes
Cliquez sur l’image pour télécharger la fiche en PDF !

Quelques remarques :

  • Penser au dépistage de l’alpha 1 antitrypsine au moins une fois
  • Vraiment, le plus important ça reste l’ARRÊT DU TABAC +++++ (et donc l’éducation thérapeutique)
  • Penser aux vaccinations afin de protéger les patient·es en amont !
  • Il faut penser au dépistage des comorbidités cardiovasculaires, RGO, ostéoporose, dépression
  • Concernant l’antibiothérapie dans les EABPCO : ce qui ressort c’est globalement amoxicilline +/- associée à l’acide clavulanique (sauf si allergie, alors macrolides voir cyclines) pour 5 à 7 jours (SPLF 2017, à bien évaluer : Cochrane 2014 qui mettait en doute le bénéfice en ambulatoire…)
  • Concernant la dose de corticoïdes oraux dans l’EABPCO : SPLF 2017 (déjà retrouvé dans Minerva 2014)
  • Concernant l’antibiothérapie intermittente : macrolide (azithromycine) 3 jours par semaine chez les patient·es > 65 ans NON fumeurs avec 1 exacerbations par an malgré un traitement de fond (Cochrane 2018)
  • Société Européenne de Pneumologie 2020 et Société savante thoracique Américaine 2020 : penser à la déprescription des CSI en cas d’éosinophiles < 300 !

Molécules recommandées selon les Premiers choix Prescrire (novembre 2022) :

  • Salbutamol inhalé à la demande
  • LABA : Formotérol ou Salmétérol
  • LAMA : Triotropium
  • CSI en trithérapie : Beclomethasone ou Budesonide

➡️ Ce qui a été choisi dans cette proposition d’algorithme, c’est une facilité de prise et d’utilisation des dispositifs (et donc des associations, plutôt que plusieurs dispositifs différents) pour les patient·es afin de faciliter l’adhésion et l’observance du traitement.

Petit bémol, une revue Cochrane de 2017 met en évidence (avec toutefois un niveau de confiance très faible) que l’utilisation d’un seul inhalateur par rapport à deux inhalateurs distincts pourrait avoir peu ou pas d’impact sur la qualité de vie et peu ou pas d’impact sur le nombre de personnes admises à l’hôpital. CEPENDANT, le RCT INTREPID menée en 2021 montrait qu’un dispositif unique permettait à plus de patient·es d’améliorer leur état de santé via une amélioration de leur fonction pulmonaire, comparativement à plusieurs dispositifs. Une étude rétrospective menée en 2022 retrouvait que l’utilisation d’un seul dispositif permettait une meilleure observance, un risque moindre d’exacerbations, une réduction de la mortalité et une moindre mobilisation des ressources de santé (notamment financières). Une étude rétrospective du Respiratory Medicine menée en 2022 montrait que l’observance et l’adhésion au traitement était significativement meilleure avec un dispositif unique comparativement à plusieurs dispositifs. On note par ailleurs que la mauvaise observance est très répandue parmi cette catégorie de médicaments, pouvant parfois mener à des conséquences dramatiques (hospitalisations, décès) et que cela en fait un enjeu majeur de la prise en charge (Respiratory Medicine 2008, BMJ 2009). Une Revue des maladies respiratoires de 2015 montre que l’approche thérapeutique doit être personnalisée, prendre en compte les préférences mais aussi le niveau socio-économique des patient·es, et que l’éducation thérapeutique est fondamentale dans l’observance et l’adhésion au traitement.

Les études justifiant les choix :

  • CHEST 2022 (étude rétrospective) : les associations Umeclidinium / Vilanterol (Anoro®) et Indacaterol / Glycopyrronium (Ultibro®) étaient associées à moins d’exacerbations de BPCO que l’association Tiotropium / Olodatérol (Spiolto®), et les patient·es sous Indacaterol / Glycopyrronium (Ultibro®) semblaient avoir un risque d’évènements cardiovasculaire inférieur à ceux sous Tiotropium / Olodatérol (Spiolto®)
  • ERJ 2022 : de l’intérêt de la trithérapie, qui semble être plutôt confirmée avec le critère d’hyperéosinophilie
  • NEJM 2020 (RCT étude ETHOS) : efficacité de la trithérapie Glycopyrronium / Formoterol / Budesonide (Trixeo®) versus bithérapie Glycopyrronium / Formoterol (Bevespi Aerosphere® non disponible en France)et Budesonide / Formoterol (Symbicort® ou Gibiter®) sur la fréquence d’exacerbation chez des patients avec un CAT > 10 et ayant 2 antécédents d’exacerbation dans l’année malgré bithérapie
  • Lancet 2019 (RCT étude IMPACT) : association LABA + LAMA (Vilanterol / Umeclidinium soit Anoro®) équivalente à la trithérapie CSI + LABA + LAMA (Fluticasone / Vilanterol / Umeclidinium soit Trilegy®) quand l’éosinophilie < 300
  • Lancet 2018 (RCT étude TRIBUTE) : Indacaterol / Glycopyrronium (Ultibro®) versus Glycopyrronium / Formoterol / Beclometasone (Trimbow®) retrouve une diminution relative significative du nombre d’exacerbations de 15% sous trithérapie (mais peu pertinent cliniquement)
  • BMJ 2018 (revue systématique et méta-analyse) : réduction des exacerbations sous trithérapie mais attentions aux pneumopathies induites par les corticoïdes !
  • JAMA 2017 (synthèse revue Cochrane 2017) : risque d’exacerbation diminué de 18% avec LAMA + LABA comparativement à LABA + ICS
  • NEJM 2017 (RCT) : amélioration du VEMS et amélioration clinique (diminution du risque d’exacerbation et d’hospitalisation pour BPCO) sous Triotropium (Spiriva®)
  • NEJM 2016 (RCT étude FLAME) : l’association LABA + LAMA (Indacaterol / Glycopyrronium soit Ultibro®) > à l’association CSI + LABA (Salmeterol / Fluticasone soit Seretide®)

Petit apparté sur le dispositif du Tiotropium (Spiriva®), commercialisé à la fois sous la forme de capsule ou d’inhalateur en poudre (Respimat®) : il semblerait que la bioéquivalence soit la même (essai 2017) et qu’il n’y ai pas de différence au niveau de la libération de la molécule entre les deux dispositifs (essai 2021).

Donc en résumé :

  • Monothérapie LAMA : a l’avantage de réduire aussi les exacerbations -> Tiotropium (Spiriva®)
  • Bithérapie LABA + LABA : Indacaterol / Glycopyrronium (Ultribro®) pour son efficacité et sa tolérance
  • Si besoin d’une trithérapie avec CSI : Beclometasone / Formoterol / Glycopyrronium (Trimbow®)
Gif Orelsan "basique simple"

Alternative proposée :

  • Classe A : Tiotropium (Spiriva®), il existe 2 modes de prise donc on reste là-dessus
  • Classe B : Salmeterol (Serevent®) 2 modes de prise + Triotropium (Spiriva®)
  • Classe E :
    • sans hyperéosinophilie : Salmeterol (Serevent®) + Triotropium (Spiriva®)
    • mauvais constrôle ou hyperéosinophilie : Formoterol / Beclometasone (Innovair®) + Triotropium (Spiriva®)

PS : pourquoi avoir éliminé le Symbicort® ? Car le turbuhaler est associé à plus d’erreurs dites « critiques » lors de la prise (Aerosol Medicine 2004) !

Et voilà ! C’est tout pour aujourd’hui 😊 Merci encore à @DrAgibus pour son aide. N’hésitez pas à partager et à diffuser !

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