Littérature

  • Littérature,  Médecine Générale

    DIU en méthode torpille et examen clinique systématique des seins : revue de littérature

    Qu’est-ce que la « méthode torpille » ?

    Aussi appelée « méthode de la floraison » ou méthode de Cristalli-Bonneau, il s’agit apparemment d’une méthode franco-française (cocorico 🇫🇷 !) quasi-inconnue dans la littérature internationale, qui aurait été évoquée sur les internets dans des blogs médicaux pour la première fois en 2006(1).

    Avec cette méthode, on ne franchit « que » 2 fois le col de l’utérus au lieu de 4 fois normalement, car on n’utilise pas d’hystéromètre : le tube inserteur est inséré dans le col, le DIU libéré directement dans la cavité utérine, puis on retire le tube inserteur. Dans ce cas, la pince de Pozzi n’est pas utilisée, ou alors en seconde intention en cas de difficulté.

    Explications de la méthode torpille

    Un article d’Exercer en 2015 décrit la méthode de pose directe. Voici également deux vidéos qui illustrent cette technique : ici et .

    Une brochure explicative a été réalisée par la Docteure Lori Savignac :

    Etapes de pose des DIU au cuivre en méthode torpille
    Etapes de pose des DIU hormonaux en méthode torpille

    L’avantage de cette technique serait de réduire considérablement le risque de spasme du col de l’utérus, et donc la douleur lors de la pose de DIU. Cela serait également plus rapide et plus simple pour les professionnel·les de santé.

    Qu’en dit la science ?

    Une étude qualitative française de 2015(3) par entretiens semi-dirigés auprès des professionnel·les de santé : les utilisateur·es de la méthode directe déclaraient avoir choisi cette technique car elle était moins douloureuse pour les patientes, notamment par l’absence de préhension du col puis de traction de l’utérus et par l’absence de passage de l’orifice interne hormis par le DIU. Certains pensaient qu’il y avait un risque moindre de perforation et d’infections liées à la pose.

    Une étude prospective de 2016(4) sur 50 patient·es (avec utilisation d’une Pozzi) : l’insertion du DIU s’est déroulée avec succès sans aucune manipulation cervicale chez 80 % des participant·es. Le sondage (hystérométrie) n’a été nécessaire pour aucune procédure. Un dilatateur cervical a été nécessaire pour localiser l’orifice interne chez 20 % des patient·es. La distance moyenne entre les DIU et la marge de l’endomètre immédiatement après l’insertion était de 2,9 mm. L’insertion du DIU a été jugée « difficile » par le médecin effectuant la procédure chez 6 % des patient·es. Aucune perforation n’a été enregistrée. L’expulsion du DIU s’est produite chez 6% des patient·es.

    Une étude prospective française de 2019(5) (sans utilisation systématique d’une Pozzi, seulement en cas d’échec) sur 535 patient·es retrouvait moins de douleur avec la pose directe, aucune différence dans la survenue d’infections (1,4 % contre 2,8 % ; p = 0,366) et les taux de continuation à 6 mois (89,4 % contre 89,2 % ; p = 0,936). Les taux de satisfaction à 6 mois étaient significativement plus élevés dans le groupe pose directe (93,6 % contre 87,4 % ; p = 0,019).

    Un RCT français de 2018(6) (sans utilisation systématique d’une Pozzi, seulement en cas d’échec) sur 60 patient·es : durant la pose du DIU, 45,8 % des patient·es ont déclaré une EVN supérieure ou égale à 4 dont 32,1 % dans le groupe « pose directe » et 58,1 % dans le groupe « pose classique » (RR = 0,55, IC95 = 0,30-1,03).  Aucune différence statistiquement significative n’a été retrouvée entre les deux techniques concernant les incidents immédiats (échec d’insertion, malaise vagal et expulsion du DIU) : 6,2 versus 7,1 % (NS). Il n’y a pas eu non plus de différence concernant la bonne position échographique du DIU (91,4 versus 92,6 % ; NS), la survenue d’incidents dans la semaine suivant l’insertion (50 versus 42,9 % ; NS) et le vécu des opérateurs (18,8 versus 10,7 % ; NS).

    Une thèse de médecine générale en 2018 comparait la douleur ressentie lors de l’insertion d’un DIU entre la méthode de pose directe et la méthode classique (sans utilisation systématique d’une Pozzi, seulement en cas d’échec), et les complications sur 6 mois : sur 535 patient·es , le groupe pose directe rapportait une douleur moins intense que le groupe pose classique (p<0,001). Il n’y avait pas de différence entre les groupes concernant la survenue de complications, le taux de DIU présents à 6 mois et la satisfaction vis-à-vis du DIU.

    Une thèse de médecine générale en 2019 comparait la douleur ressentie lors de la pose d’un DIU entre la méthode directe et la méthode dite classique (étude KIDDS multicentrique randomisée en simple aveugle) : sur 160 patient-es, il existe une différence significative de la douleur entre la méthode directe et la méthode classique (p=0,003). Il n’existe pas de différence significative de malposition (p=1), vérifié par l’échographie.

    L’effet contraceptif d’un DIU malpositionné

    C’est souvent le débat qui revient : un DIU ne serait pas aussi efficace s’il n’est pas placé à bonne distance du fond utérin. La littérature est très controversée à ce sujet, les études se contredisent et sont souvent à faible niveau de preuve car rétrospectives, on connait mal l’importance et les conséquences véritables (si elles existent vraiment) d’un DIU mal ou bas situé.

    Le BMJ en 2014(7) publiait une revue de littérature sur les DIU mal ou bas situés et l’efficacité contraceptive : 

    • Anteby et al. sur 125 participant·es : le DIU s’est avéré déplacé vers le col de l’utérus chez 52% des femmes enceintes et 7% des femmes non enceintes.
    • Thonneau et al, étude cas-témoin rétrospective sur 873 particpant·es : le risque d’échec était associé à un âge inférieur de la femme et à une teneur en cuivre plus faible du DIU. Il n’y avait aucun effet des polypes, des fibromes ou des médicaments, mais l’expulsion antérieure du DIU était un facteur de risque d’échec.
    • Moschos et Twickler, série de cas sur 42 participantes portant un DIU en début de grossesse : 74 % des grossesses étaient intra-utérines, 7 % étaient extra-utérines et 19 % ont été diagnostiquées comme des grossesses de localisation inconnue. Sur les 31 grossesses intra-utérines, 8 des DIU étaient normalement positionnés, 17 étaient « bas » et 6 n’étaient pas visibles.
    • Brraten et al, étude cas-témoin rétrospective sur 364 participant·es : 10,4 % avaient un DIU mal positionné, dont la majorité se trouvait dans le segment utérin inférieur ou le col de l’utérus (73 %). Aucune grossesse n’a été signalée chez les 28 femmes dont le DIU mal positionné a été laissé en place.
    • Pakarinen et Luukkainen, essai randomisé d’un dispositif intracervical libérant 20 µg de LNG/jour : 151 femmes ont eu le dispositif placé en intracervical et 147 ont eu le dispositif placé au fond de l’utérus. Les taux d’échec, les taux de continuation et les retraits pour problèmes de saignement n’étaient pas différents entre les deux groupes. Cependant, les taux d’expulsion étaient plus élevés dans le groupe intracervical.

    Un article du JAMA en 2022(8) concluait : « chez les patientes asymptomatiques, le remplacement du DIU qui ne serait pas au fond repose sur une décision partagée sachant qu’il n’existe pas de données disant qu’il y aurait un taux d’échec supérieur avec des DIU mal positionnés ».

    On note que dans les études citées plus haut, 3 d’entres elles avaient évalué la position du DIU après la pose et ne retrouvaient pas de différence significative avec la méthode dite « classique ».

    L’examen clinique systématique des seins

    Pour finir, un petit rappel sur la relative inutilité de l’examen clinique systématique des seins :

    • une revue systématique Cochrane de 2003(9) sur 388 535 participant·es retrouvait qu’il n’y avait pas d’effet bénéfique de l’auto-palpation mais une augmentation du risque de surdiagnostics de lésions bénignes par augmentation du nombre de biopsies réalisées
    • un article de 2019(10) montrait que l’examen clinique des seins avait une sensibilité (36%) et une spécificité (78%) médiocres dans la détection des cancers du sein
    • une étude prospective randomisée de 2021 dans le BMJ(11) comparant examen clinique des seins VS rien du tout et portant sur plus de 150 000 participant·es ne retrouvait pas de différence significative de mortalité spécifique au cancer du sein (sauf chez les patientes de plus de 50 ans) ni de mortalité globale

    On notera que ni les canadien·nes, ni les américain·nes, ni les anglais·es ne recommandent cet examen de manière systématique chez les femmes asymptomatiques dans le cadre du suivi…

    Gid "pas mal non ? c'est français"

    Pour celles et ceux qui hurleraient quant au risque de passer à côté d’un hypothétique cancer du sein, je les renvoie à cet excellent (oui oui) article concernant le dépistage systématique du cancer du sein.

    A bientôt !

    Bibliographie :

    1. Technique de la torpille de Cristalli-Bonneau – BlueGEEK Journal [Internet]. Disponible sur: https://www.bluegyn.com/spip/spip.php?page=article&id_article=79

    2. Savignac-Krikorian L, Benedini E, Bezanson E, Ruelle Y. INSÉRER UN DISPOSITIF INTRA-UTÉRIN : MÉTHODE CLASSIQUE ET MÉTHODE DIRECTE. Exerc Rev Francoph Médecine Générale. 2015;26(121):229‑34.

    3. Savginac-Krikorian L. METHODE DE POSE DIRECTE DES DISPOSITIFS INTRA-UTERINS : COMMENT ? POURQUOI ? [Internet] [DIU REGULATION DES NAISSANCES : socio-épidémiologie, contraception, IVG, prévention des risques liés à la sexualité]. Université Paris Descarte; 2014. Disponible sur: http://www.docteurmilie.fr/wordpress/wp-content/uploads/2015/06/DIUposedirecte-memoire.pdf

    4. Christenson K, Lerma K, Shaw KA, Blumenthal PD. Assessment of a simplified insertion technique for intrauterine devices. Int J Gynecol Obstet. 2016;134(1):29‑32.

    5. Bastin A, Scanff A, Fraize S, Hild JC, Lous ML, Lavoue V, et al. Direct vs. standard method of insertion of an intrauterine contraceptive device: insertion pain and outcomes at 6 months. Eur J Contracept Reprod Health Care Off J Eur Soc Contracept. oct 2019;24(5):399‑406.

    6. Rahou Aissat D, Veillard D, Raia Barjat T, Munoz M, Bruel S, Trombert B, et al. A prospective, randomized study evaluating the pain felt during intrauterine device insertion by the direct technique vs conventional technique. J Gynecol Obstet Hum Reprod. nov 2019;48(9):719‑25.

    7. Low-lying or malpositioned intrauterine devices and systems – PubMed [Internet]. Disponible sur: https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24395060/

    8. Averbach S, Hofler L. Long-Acting Reversible Contraception With Contraceptive Implants and Intrauterine Devices. JAMA. 24 mai 2022;327(20):2013‑4.

    9. Kösters JP, Gøtzsche PC. Regular self‐examination or clinical examination for early detection of breast cancer. Cochrane Database Syst Rev [Internet]. 2003;(2). Disponible sur: https://www.cochranelibrary.com/cdsr/doi/10.1002/14651858.CD003373/full?highlightAbstract=clinical%7Cclinic%7Cbreast%7Cexamin%7Cexamination

    10. Malmartel A, Tron A, Caulliez S. Accuracy of clinical breast examination’s abnormalities for breast cancer screening: cross-sectional study. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol. juin 2019;237:1‑6.

    11. Mittra I, Mishra GA, Dikshit RP, Gupta S, Kulkarni VY, Shaikh HKA, et al. Effect of screening by clinical breast examination on breast cancer incidence and mortality after 20 years: prospective, cluster randomised controlled trial in Mumbai. BMJ. 24 févr 2021;372:n256.

  • Féminisme,  Littérature

    Le dépistage systématique du cancer du sein : F.B.I. (Fausse Bonne Idée) ?

    Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme en France, et représente la première cause de mortalité par cancer(1,2). Par ailleurs, près de 80% des cancers du sein se développent après 50 ans(3).

    1.     État des lieux des recommandations

    La HAS, dans ses recommandations de 2015, préconisait un dépistage organisé du cancer du sein pour toutes les femmes asymptomatiques de 50 à 74 ans, à risque modéré, par mammographie systématique tous les 2 ans(4).

    Des recommandations canadiennes de 2018 proposaient une mammographie entre 50 et 74 ans tous les 2 à 3 ans(5).

    Des recommandations ont été publiées par la société européenne pour le dépistage et le diagnostic du cancer du sein (ECIBC) en 2020 qui proposait un dépistage par mammographie entre 45 et 49 ans tous les 2 à 3 ans, un tous les 2 ans entre 50 et 69 ans, et tous les 3 ans entre 70 et 74 ans(6).

    Vu sous cet angle, il est donc de notre responsabilité de soignant·es d’inciter très fortement les patient·es à effectuer de manière systématique ce dépistage qui sauve des vies… non ?

    Meme ironique avec Anakin et Padmé
- On va dépister toutes les femmes pour le cancer du sein
- Ca va sauver des vies?
- ...
- Ca va sauver des vies hein ?
    Même Padme se doute qu’il y a une couille dans le pâté

    2.     Effet sur la mortalité

    Le but de ce dépistage ce n’est pas de trouver des cancers à tout le monde, c’est quand même de sauver la vie des femmes n’est-ce pas ? Alors, qu’en dit la science ?

    Un RCT canadien de 2000 sur 39 459 patient·es ne retrouvait pas d’effet du dépistage sur la mortalité spécifique par cancer du sein RR = 1.02 (IC 95% = 0.78-1.33)(7).

    Une méta-analyse de 2013 montrait qu’il n’y avait pas de différence de mortalité totale lors d’un suivi pendant 13 ans entre les groupes dépistage par mammographie et contrôle OR= 1.00 (IC 95% 0.98 à 1.03) (cela se maintient dans le sous-groupe des patient·es de plus de 50 ans)(8).

    Une revue Cochrane de 2013 ne retrouvait pas d’effet du dépistage sur la mortalité totale par cancer après 10 ans (RR 1.02, IC 95% 0.95 – 1.10) ou sur la mortalité toute cause après 13 ans (RR 0.99, IC 95% 0.95 – 1.03)(9).

    La revue Prescrire en 2014 rappelait que le dépistage permettait une diminution de la mortalité par cancer du sein d’ampleur incertaine, au mieux modeste(10). Cet avis se basait sur :

    • Une revue systématique de l’US Preventive Services Task Force de 2009 sur 600 830 patient·es : réduction de la mortalité spécifique par cancer du sein de 15% entre 39 et 49 ans RR = 0.85 (IC 95%, 0.75–0.96) (super ! c’est-à-dire avant même l’âge recommandé par le dépistage, magnifique merveilleux), idem entre 50 et 59 ans RR = 0.86 (IC 95%, 0.75–0.99) et entre 60 et 69 ans RR = 0.68 (IC 95% 0.54–0.87); cependant pas de données sur la mortalité totale (et ils prennent en compte les données des études suédoises non corrigées, cf en dessous, donc surestimation probable)(11)
    • Une étude suédoise publiée en 2011 sur 133 065 patient·es pendant 29 ans de suivi examinait des données déjà publiées en 2006 : réduction de la mortalité spécifique liée au cancer du sein de 16 morts par cancer du sein évitées pour 10 000 dépistages (RR= 0,73 ; IC95 : 0,59 à 0,89) (cependant faible qualité méthodologique de l’étude, résultats déjà contestés une première fois en 2006) et pas de données sur la mortalité totale(12)
    • Une méta-analyse du Lancet publiée en 2012(13) retrouvait une diminution de la mortalité spécifique par cancer du sein après 13 ans de suivi RR = 0,8 (IC95% : 0,73 à 0,89); cependant elle reprenait toujours les mêmes études dont les études suédoises non corrigées avec le risque de surestimation(12) 
    • La revue Cochrane de 2013 déjà mentionnée plus haut(9)
    • Une étude canadienne publiée en 2014 dans le BMJ sur 89 835 patient·es avec un suivi pendant 25 ans : pas de diminution de la mortalité entre le groupe dépistage par mammographie et le groupe contrôle HR = 1.05 (IC 95% 0.85 à 1.30)(14)

    Une revue systématique et méta-analyse de 2015 montrait que le dépistage ne réduisait pas la mortalité totale, uniquement la mortalité spécifique liée au cancer du sein.(15)

    Dans une publication de 2016, le CNGE dénonçait le manque d’information loyale donné aux femmes concernant ce dépistage en se basant sur la revue Cochrane de 2013 et un article de 2009 du BMJ: l’efficacité relative serait bien de 15 à 20% de réduction de mortalité spécifique, cependant le bénéfice absolu en terme de mortalité est de 1 pour 1000(9,16,17).

    Une étude de cohorte rétrospective publiée en 2017 dans le BMJ ne retrouvait, après prise en compte de l’effet de cohorte, aucun effet sur la mortalité(18).

    Une revue de la littérature de 2021 retrouvait une réduction de la mortalité uniquement entre 50 et 59 ans RR = 0.77 (IC 95% 0.66–0.90)(19).

    Une étude publiée en 2022 sur la population de la Caroline du Nord aux USA concluait que les progrès des traitements disponibles sont probablement le principal contributeur à l’amélioration de la mortalité par cancer du sein (et non le dépistage par mammographie)(20).

    Meme avec Gru de moi moche et méchant
- Organiser un dépistage de masse
- Trouver plein de cancers
- Pas de réduction de la mortalité globale

    Mh. En résumé, c’est pas fameux niveau mortalité. C’est quand même un peu balo. Mais bon, si ça n’a pas de conséquences, c’est pas trop grave hein ? Ah, on me dit dans l’oreillette que si justement ça pose problème… 😬

    3.     Le problème du surdiagnostic

    Qui dit surdiagnostic, dit explorations inutiles et possible sur-traitement (donc radiothérapie, mastectomie et tous les joyeux effets secondaires qu’on leur connaît). Ok, on pourrait se dire que statistiquement c’est un « risque » à prendre, mais ce risque est-il acceptable ?

    Une étude de 2012 retrouvait un taux de surdiagnostic (et donc de sur-traitement) du cancer du sein en Europe de l’ordre de 6,5%(21).

    Une étude du Lancet publiée en 2012 montrait que pour 10 000 patient·es de plus de 50 ans invitées au dépistage par mammographie tous les 3 ans pendant 20 ans, 681 cancers sont détectés, dont 129 sont des surdiagnostics, et 43 décès par cancer du sein sont évités. Pour chaque décès évité, 3 patient·es sont diagnostiqué·es et traitée·s à tort (soit un taux de surdiagnostic de 18%)(13).

    Voici une infographie assez parlante réalisée par le Harding Center for Risk Literacy à partir de la revue Cochrane de 2013 : pour 1000 patient·es qui effectuent le dépistage, 1 seul·e est sauvé·e. Par contre, 5 patient·es ont dû subir une intervention non nécessaire (cancer non progressif) et 100 patient·es ont eu un faux positif (biopsie ou tests supplémentaires)(9,22).

    Infographie du Harding Center for Risk Litteracy sur le surdiagnostic du cancer du sein

    La fameuse étude de cohorte canadienne publiée en 2014 dans le BMJ sur 89 835 patient·es avec un suivi pendant 25 ans retrouvait un taux de surdiagnostic de 22%(14).

    En 2015, une publication de la Revue Prescrire rappelait les effets indésirables du dépistage : des explorations pénibles et angoissantes, générées par les résultats faussement positifs. Plus loin, les auteur·es estimaient qu’environ 1 cancer sur 4 diagnostiqués à la suite d’une mammographie de dépistage est un diagnostic par excès, c’est-à-dire un cancer qui n’aurait jamais entraîné de manifestation clinique, c’est à dire 19 cancers diagnostiqués par excès pour 1 000 femmes âgées de 50 ans et participant au dépistage organisé pendant 20 ans(23). Les auteur·es suggèrent d’ailleurs qu’il s’agit plutôt d’une sous-estimation du risque… Cet avis se basait sur :

    Le CNGE en 2016 rappelait que 10% de femmes auront une mammographie positive suivie d’une biopsie inutile (soit un faux positif) « source d’inquiétude, voire de désarroi, et de dépenses inutiles » selon une méta-analyse BMJ 2013, et 0,5% seront sur-diagnostiquées et donc sur-traitées(8,25).

    Un article du NEJM publié en 2016 retrouvait que pour 100 000 femmes participant au dépistage du cancer du sein, il y avait 132 cas de surdiagnostics (sur 162 cas détectés et 30 cas de cancers qui étaient évolutifs)(26).

    Une étude danoise de 2017 montrait que le dépistage tous les 2 ans entre 50 et 69 ans conduisait à une augmentation du nombre de  cancers non invasifs avec un surdiagnostic de 25%(27).

    Une étude de cohorte rétrospective publiée en 2017 dans le BMJ retrouvait un taux de surdiagnostic allant de 32 à 52% après déduction du temps d’avance diagnostic(18).

    Un article du NEJM publié en 2017 évoquait le surdiagnostic de cancer du sein. Les auteur·es estimaient que selon les groupes d’âges, concernant des tumeurs dites « favorables », plus on est jeune et plus le risque de surdiagnostic est important(28).

    Une étude du JAMA Oncology de 2018 montrait qu’effectuer un dépistage ciblé en fonction du risque individualisé de cancer du sein chez les femmes permettrait de diminuer le surdiagnostic et le surtraitement tout en conservant les bénéfices du dépistage(29).

    Un article du Medical Journal of Australia publié en 2020 estimait que chez les femmes, le surdiagnostic de cancer du sein est de 22%(30).

    Une revue de la littérature de 2021 retrouvait une probabilité de surdiagnostic de 23 % chez les moins de 50 ans et 17 % chez les 50-69 ans. La mammographie était associée à un risque accru de 2,9 % de procédures invasives avec des résultats bénins (faible certitude)(19).

    Une étude d’Annals of Internal Medicine publiée en 2022 retrouvait un taux de surdiagnostic de 15,4%, soit 1 cas de cancer sur 7(31).

    Meme avec Buzz l'éclair et Woodie : 
Overdiagnosis, overdiagnosis everywhere
    Le mood de cette revue de littérature de l’angoisse

    4.     Les cancers d’intervalle

    Impossible de parler du dépistage systématique du cancer du sein sans évoquer les cancers d’intervalle.

    Le National Cancer Institute publiait en 2018 une infographie sur le surdiagnostic du dépistage : la mammographie dépisterait les cancers « lents » et peu agressifs, mais les cancers dits agressifs et à progression rapide passeraient entre les mailles du filet du dépistage et seraient dépistés sur les symptômes(32).

    Infographie du national cancer institute sur le surdiagnostic et les cancer d'intervalle

    Une étude de cohorte rétrospective publiée en 2023 étudiait les cancers d’intervalle (c’est-à-dire apparus entre les dépistages) : les auteur·es retrouvaient que ces cancers sont de stades plus élevés et de moins bon pronostic que les cancers découverts lors du dépistage(33). On peut donc se poser la question de la pertinence du dépistage, vu que les cancers les plus agressifs sont détectés entre les dépistages…

    5.     Les cancers radio-induits

    La Revue Prescrire en 2015 évoquait de rares cas de cancers radio-induits(23), se basant sur une étude de 2011: pour 100 000 patient·es recevant chacune une dose de 3,7 mGy aux deux seins et qui ont été dépisté·ees annuellement de 40 à 55 ans et tous les deux ans par la suite jusqu’à 74 ans, on prévoit qu’il y aura 86 cancers induits et 11 décès dus au cancer du sein radio-induit(34).

    En 2017 un article de Annals of Internal Medicine estimait que pour 100 000 femmes de 40 à 74 ans qui bénéficient d’une mammographie annuelle il y aurait 125 cancers radio-induits dont 16 décès. On peut se dire que chez nous, le dépistage n’est pas annuel et donc le risque moindre : dans ce cas de figure, le risque est divisé par 5 dans cette étude(35).

    Edit : cependant, ces données sont contestées, car cela repose sur la théorie de Relation Linéaire Sans Seuils (RLSS de son petit nom, voir ici et ), et suppose « que les effets de la radioactivité sur la santé sont proportionnels à la dose reçue, quelle que soit l’ampleur de la dose ou le débit de dose ». Cette théorie fait l’objet de controverses depuis plusieurs années (par exemple cet article de 2007), notamment car il s’agit d’une norme de radioprotection. Les deux articles cités plus haut utilisent cette théorie pour extrapoler leurs résultats et en tirer des estimations concernant les risques de cancers radio-induits.

    La CIPR103 précisait bien en 2009 : « CIPR103 : Cependant, bien que le modèle LNT reste un élément scientifiquement plausible pour son système de protection radiologique, la commission souligne le fait que des informations biologiques / épidémiologiques qui permettraient de vérifier sans ambiguïté les hypothèses sous-jacentes au modèle LNT font défaut. En raison de cette incertitude quant aux effets sur la santé des faibles doses, la commission estime qu’il est inapproprié, pour les besoins de la santé publique, de calculer le nombre hypothétique de cas de cancers ou de maladies héréditaires qui pourraient être associées à de très faibles doses de rayonnement reçues par un grand nombre de personnes sur de très longues périodes. »

    6.     Qu’en pensent les personnes concerné·es ?

    Parce que c’est quand même sympa de penser à demander aux femmes ce qu’elles en pensent hein !

    Un article du BMJ de 2015 à propos de l’acceptation du surdiagnostic par les patient·es montrait que les personnes âgées de 50 ans ou plus acceptaient significativement moins le surdiagnostic (avec un bémol pour les personnes avec un « haut niveau d’éducation » qui semblaient mieux l’accepter), et que 29 % seulement des répondant·es avaient déjà entendu parler de la surdiagnostic(36) !

    Un RCT du Lancet de 2015 montrait qu’une fois informé·es, les patient·es étaient 24% à réaliser un choix éclairé VS 15% dans le groupe contrôle (différence 9%, 95% CI 3–14; p=0·0017), et moins de patient·es avaient l’intention de se faire dépister (74 % VS 87 %; p<0·0001)(37).

    En 2017, Cancer Rose faisait une critique du livret de l’InCa concernant le dépistage organisé(38). Il est fait état d’une communication « morcelée, parfois contradictoire, tendancieuse, peu claire sur le surdiagnostic ». Une affiche est disponible ici, et leur site regorge d’informations.

    Affiche sur le dépistage mammographique et le surdiagnotic de cancer rose

    Un RCT du BMJ de 2017 montrait que une fois informé·es du risque de surdiagnostic, les patient·es ont significativement moins l’intention de réaliser le dépistage(39) (tu m’étonnes John).

    Une étude du BMJ en 2022 sur la prise de décision concernant le dépistage du cancer du sein montrait que les patient·es préféraient un modèle de décision partagée et de d’information éclairée afin de pouvoir prendre leur décision(40) (surprenant, n’est-ce pas?).

    ➡️ En bref : il serait grand temps de réévaluer ce dépistage de masse. Peu de bénéfices en terme de mortalité, beaucoup de surdiagnostic et toutes les conséquences sur la qualité de vie que cela peut avoir… Peut-être pourrait-on donner vraiment le choix aux femmes, de manière éclairée ?

    Bibliographie :

    1. Cancer du sein [Internet]. [cité 30 mars 2023]. Disponible sur: https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/cancers/cancer-du-sein
    2. Cancers [Internet]. [cité 30 mars 2023]. Disponible sur: https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/cancers
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  • Littérature

    Déprescription des benzodiazépines et apparentés : « Les benzos, c’est tabou, on en viendra tous à bout ! »

    Le problème de le dépendance aux benzodiazépines et apparentés est fréquent en médecine générale. Régulièrement, je me retrouve face à des patient·es qui en prennent depuis des années et qui sont très réticent·s à arrêter. Réussir à effectuer un sevrage semble souvent relever du parcours du combattant… Alors, où en est-on dans la littérature ? Quels sont les effets indésirables avérés, et quels leviers sont disponibles afin d’aider et d’accompagner au mieux les patient·es ?

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    Après les AINS, intéressons-nous à la littérature autour des benzodiazépines.

    Une revue systématique et méta-analyse de 2011(1) retrouvait qu’en soins primaires, des mesures d’intervention brève (consultation dédiée, remise d’une lettre aux patient·es) ont montré leur efficacité sur le sevrage.

    Une revue systématique et méta-analyse de 2014(2) montrait qu’un sevrage supervisé avec psychothérapie était cinq fois plus efficace (IC 95% : 2.68-9.57, p<0.00001, NNT = 3 !). Cette réduction persiste à moyen terme pour 2 patient·es traité·es et semblait se maintenir à 3 ans.

    Un RCT publié dans JAMA en 2014 (étude EMPOWER)(3) montrait qu’une intervention réalisée par un·e soignant·e dans un but d’éducation et d’autonomisation des patient·es âgé·es à propos des benzodiazépines avec proposition d’un protocole de réduction progressive des doses versus rien du tout permettait plus d’arrêt à 6 mois (23 % [IC 95 % : 14 %-32 %]) avec un NNT = 4 !, et qu’une réduction des doses survenait chez 11% de patient·es supplémentaires.

    Une étude de cohorte de 2015(4) retrouvait une augmentation de 62% du risque de démence chez les utilisateur·es de benzodiazépines de demi-vie longue (> 20h).

    La HAS rappelait déjà en 2015(5) qu’il fallait « offrir l’assurance au patient qu’il est acteur du processus d’arrêt, en particulier sur le choix du rythme qui lui convient. L’arrêt peut prendre de 3 mois à un an, ou plus si nécessaire ». L’Echelle ECAB (Echelle Cognitive d’Attachement aux Benzodiazépines) permet de faire un premier état des lieux avec les patient·es lors de la consultation(6). Il existe également un calendrier d’arrêt, ainsi que les signes qui peuvent survenir et qui sont à surveiller que l’on peut remettre aux patient·es(7). En cas de plainte de sommeil, il est possible de remplir un agenda de sommeil afin de mieux objectiver les symptômes(7).

    Arbre décisionnel de la HAS concernant l'arrêt des benzodiazépines : démarche du médecin traitant en ambulatoire

    Une plaquette d’informations à destination des professionnel·les de santé a été publiée en 2016 par le site deprescribing.org(8).

    Plaquette d'information de deprescribing.org avec l'algorithme de déprescription des benzodiazépines et Z drugs

    Un algorithme est de déprescription est également disponible(9) : il est conseillé de réduire progressivement la dose en décision partagée, tous les 15 jours, de –25% à chaque fois, avec un seuil de -12,5% à la fin (ou alors des jours sans prise). Il est également conseillé d’utiliser des approches non pharmacologiques : comportementales et/ou TCC, et de prévenir des symptômes de sevrage qui peuvent apparaître. En cas de ré-apparition des symptômes, les auteur·es conseillent de maintenir la dose de benzodiazépine actuelle pendant 1 à 2 semaines, puis de reprendre la réduction des doses de manière très progressive.

    Suite de la plaquette d'information de deprescribing.org avec les approches non-pharmacologiques : soins primaires / soins institutionnels

    En 2016, le CNGE(10) rappelait la balance bénéfice / risque défavorable des benzodiazépines et apparentés qui peuvent entraîner des EI tels que addictions, syndromes de sevrage, chutes, troubles cognitifs… Ils rappellent de limiter d’emblée la prescription initiale de benzodiazépine en ayant recours à des alternatives thérapeutiques (notamment non médicamenteuses telles que restriction de sommeil, contrôle de stimulus, relaxation musculaire, TCC) et en prenant en charge l’arrêt des traitements (notamment avec des stratégies combinées : psychothérapie, intervention pharmacologique, suivi coordonné).

    Un article de 2018 publié dans le Canadian Familiy Medicine(11) sur les recommandations de déprescription conseille ainsi de proposer systématiquement la déprescription de manière lente et progressive à tout·e adulte âgé·e de plus de 65 ans quelle que soit la durée d’utilisation des benzodiazépines, et à tout·e adulte de moins de 65 si la durée d’utilisation a dépassé 4 semaines.

    Selon les Premiers Choix Prescrire(12), en cas de mauvais sommeil, les mesures de première intention sont de repérer et limiter les facteurs de mauvais sommeil (prise de substances excitantes, iatrogénie, règles d’hygiène de sommeil), les thérapies cognitivo-comportementales (avec des conseils tel que « n’utiliser le lit exclusivement pour le repos et les activités sexuelles ») , et la valériane en extraits aqueux ou hydroalcooliques faiblement titrés (< 30 %).
    Le cas échant, si un médicament semble nécessaire, la doxylamine (anti-histaminique H1) en cure courte est préconisée. En cas de gêne importante, le choix se porte sur une benzodiazépine à demi-vie d’élimination courte, voire intermédiaire, et sans métabolite actif connu : l’oxazepam. Il est conseillé de préparer l’arrêt de la benzodiazépine dès le début du traitement et de réaliser un « mise en garde du patient vis-à-vis du risque de dépendance, de syndromes de sevrage à l’arrêt, d’accoutumance et de troubles de la mémoire »(13), ce qui avait déjà été énoncé par la HAS dans sa fiche mémo de 2015(5). Quand de l’anxiété diurne est associée, il est conseillé de choisir une durée d’effet plus longue : oxazépam en plusieurs prises, ou alprazolam / lorazepam.

    Tableau de demi-vie des benzodiazépines(14) : (pour rappel)

    Tableau de demi vie des différentes benzodiazépines

    On pourrait ainsi envisager de remettre aux patient·es la Fiche Info Patients de la revue Prescrire(15), tout en la commentant. Il existe également la plaquette d’information de deprescribing.org(16), un peu plus visuelle.

    ➡️ De manière pratique, face à un·e patient·e qui présente une addiction aux benzodiazépines, il faudrait commencer par switcher vers une molécule de demi-vie courte, pour ensuite établir un protocole de décroissant en décision partagée.

    Plus récemment :

    • Un article du JAMA en 2017(17) mentionne la TCC comme le traitement de première intention dans l’insomnie chronique ; les benzodiazépines n’intervenant qu’en complément et en seconde intention dans l’insomnie aiguë < 3 semaines.
    • Une revue systématique et méta-analyse de 2017(18) montrait que l’utilisation des benzodiazépines augmentait le risque de démence d’environ 16%.
    • Des recommandations américaines de 2019 concernant l’insomnie chronique(19) conseillent  tout d’abord un traitement par TCC, et sinon un traitement court de doxépine (tryciclique) à faible dose (3 ou 6 mg) ou benzodiazépines et apparentés si nécessaire.

    EDIT 05.04.23 : sur le lien entre démence / maladie d’Alzheimer et l’utilisation de benzodiazépines. Intéressons-nous à la littérature depuis 2015 :

    • Méta-analyse de 2015 sur 45 391 patient·es : RR 1,49 (IC à 95 % 1,30-1,72) vs non utilisateur·es de benzos, RR 1,55 (IC à 95 % 1,31-1,83) pour les utilisateur·es récent·es et 1,55 (95 % CI 1.17-2.03) pour les ancien·nes utilisateur·es(31).
    • Etude de cohorte prospective 2016 sur 8240 patient·es : les utilisateur·es de benzodiazépines à longue demi-vie (> 20 heures) avaient un risque nettement accru de démence (HR = 1,62 ; 1,11-2,37)(32).
    • Etude de cohorte prospective BMJ 2016 sur 3434 patient·es : suggère que de petites doses de benzo augmentent plus le risque que de hautes doses cumulées, pas de lien à priori sur l’utilisation à long terme et le risque de démence(33).
    • Etude cas témoins 2016 sur les données de l’assurance maladie allemande : augmentation significative du risque de démence chez les utilisateur·es de benzos OR 1,21 (IC 95 % 1,13-1,29)(34).
    • Revue systématique et méta analyse 2018 sur 980,860 patient·es : les benzodiazépines peuvent être un facteur de risque de développer une démence (OR 1,38, IC 95 % 1,07-1,77)  (très faible niveau de preuve mais tout de même)(35).
    • Méta analyse 2019 sur 171,939 patient·es : association benzo / démence surtout si demie vie longue ou longue durée d’exposition 1.51 (95% CI=1.17-1.95, p=0.002)(36).
    • Etude cas témoin 2020 sur 1,086,584 appariements : association significative entre les benzos et démence / troubles cognitifs OR =2.69 (IC 95% =1.66-4.38)(37).
    • Etude de cohorte rétrospective 2020 sur 616,256 patient·es sud-coréens : augmentation du risque de démence de 23% avec les benzos(38).
    • RCT Canadien 2020 sur 10 263 patient·es : association significative entre les benzos et les troubles cognitifs HR = 1.32; 95% CI = 1.04-1.68, mais pas sur la démence effectivement(39).
    • Etude cas témoin 2021 : association significative entre l’utilisation de benzodiazépines et le risque de souffrir de la maladie d’Alzheimer OR = 1,05 (IC à 95 %, 1,01-1,10)(40).
    • Revue systématique 2022 sur 4 257 670 patient·es : lien entre démence et benzos (OR; 1.33, 95% CI 1.19-1.49) (mais association qui disparaît après exclusion des études qui pouvaient induire des biais de confusion)(41)
    • Etude de cohorte rétrospective 2022 sur 528 005 vétérans américains : les OR ajustés pour le risque de démence étaient de 1,06 (IC à 95 % 1,02-1,10) pour une faible exposition aux BZD, de 1,05 (IC à 95 % 1,01-1,09) pour une exposition moyenne aux benzodiazépines et de 1,05 (IC à 95 % 1,02-1,09) pour une forte exposition aux benzodiazépines(42)

    Effectivement, je retrouve une étude de cohorte prospective danoise de 2020 sur 235,465 patients·e qui ne montre pas de lien entre l’utilisation de benzos et le développement d’une démence (43). Cependant, on lit que dans cette étude, pour être inclus·e il fallait avoir consulté à l’hôpital pour un trouble affectif. Il me semble (au doigt mouillé je vous l’accorde) que la grande majorité des patient·es que l’on met sous benzos ne consultent pas pour cela à l’hôpital… De même, pour être considéré·e comme ayant un diagnostic de démence, il fallait soit être admis·e à l’hôpital pour ce motif, ou sortir de l’hôpital avec ce motif comme diagnostic final. On peut se poser la question : est-ce réellement représentatif de l’incidence de la démence dans cette population ? Par ailleurs, la médiane de suivi est de 6,1 ans, ça fait court pour déclarer une démence non ?

    La seule autre étude dissonante est une étude cas-témoin suisse de 2017(44), subventionnée par un groupe d’assurance privé qui a également fourni la base de données de l’étude (sacré conflit d’intérêt, quid de la représentativité des patient·es inclus·es du coup ? Il est dit dans l’étude que ce groupe couvre 1,9 millions d’habitant·es, mais la Suisse en comptait 8,2 millions au moment de cette étude) : l’utilisation de benzodiazépines n’était pas associée à un risque accru de développer la maladie d’Alzheimer; le soit disant effet protecteur repose sur l’ajustement sur le diagnostic de dépression avec un OR à 0,76 (IC à 95 % 0,60-0,97) pour une utilisation à moyen terme (10–29 ordonnances) cependant à long terme (> 30 prescriptions) on obtient un OR à 0,78 (IC à 95 % 0,53–1,14)… donc cette théorie ne tient pas debout.

    Je ne « diabolise » rien, je dresse juste un état des lieux sur les risques d’un usage chronique (je n’ai rien contre ces molécules quand elles sont utilisées selon les bonnes pratiques); par exemple :

    Etude de cohorte rétrospective canadienne 2022 sur un total de 57 041 usager·es chroniques et 113 839 usager·es intermittent·es apparié·es (45): hospitalisations/passage aux urgences pour chutes pour 4,6 % d’utilisateur·es chroniques contre 3,2 % d’utilisateur·es intermittent·es HR = 1,13 (IC à 95 % : 1,08 à 1,19 ; p < 0,0001), de plus pour les utilisateur·es chroniques on retrouve fractures de la hanche, admission en soins de longue durée et décès.

    Le problème étant, en France, la sur-prescription de cette classe de molécules, surtout à long terme.

    Concernant la mélatonine, souvent présentée comme une molécule miraculeuse :

    • Un article du JAMA en 2015(20) étudiait les troubles du sommeil chez les personnes qui travaillent en horaires décalés : les auteur·es ne retrouvaient pas d’efficacité des hypnotiques versus placebo, quant à la mélatonine elle rallongeait la durée de sommeil de 24 minutes (bof quoi).
    • Une revue et méta-analyse Cochrane de 2018(21) sur les interventions pharmacologiques pour l’arrêt des benzodiazépines chez les utilisateurs chroniques retrouvait 4 études comparant la mélatonine versus placebo : il n’y avait pas de différence significative entre les groupes.
    • Un RCT chinois de 2020(22) retrouvait que la supplémentation en mélatonine réduisait de manière significative le temps de réveil précoce (de 30,63 min très exactement) et le pourcentage de sommeil N2. Cependant, la mélatonine n’a eu aucun effet significatif sur les autres paramètres objectifs du sommeil : la latence, l’efficacité, le réveil nocturne et le pourcentage de sommeil N1, N3 et REM. La mélatonine n’a eu aucun effet sur les symptômes et la gravité de l’insomnie.
    • Une revue systématique et méta-analyse de 2022(23) retrouve une efficacité de la mélatonine sur la qualité du sommeil selon le Pittsburgh Sleep Quality Index (PSQI) chez les patient·es atteint·es de troubles respiratoires / métaboliques / du sommeil, mais avec une hétérogénéité significative entre les études.

    Concernant le Daridorexant (Quvivit®) :

    En mai 2022, dans l’Union Européenne, le Daridorexant, un antagoniste des récepteurs des orexines, a été autorisé dans certaines insomnies chez les adultes sous le nom commercial Quvivit®.  A l’heure actuelle, il n’est toujours pas disponible en France.

    D’autres antagonistes des récepteurs de l’orexine sont autorisés aux États­-Unis depuis 2014 dans le traitement de l’insomnie (Suvorexant). L’orexine est un neuro-transmetteur qui active l’état de veille et l’appétit ; en bloquant ce neuro-transmetteur, le Daridorexant est censé diminuer l’effet de l’orexine sur l’état de veille.

    En novembre 2022, Prescrire(24) publiait émettait des réserves à propos de cette molécule : « selon le résumé des caractéristiques (RCP) européen disponible mi­2022, le daridorexant a été évalué principalement dans deux essais randomisés versus placebo, non conçus pour cerner un éventuel progrès thérapeutique par rapport à un autre médicament utilisé dans l’insomnie. » Le profil d’EI semble proche de celui du Suvorexant : endormissements subits au cours de la journée, crises de cataplexie, paralysies du sommeil, voire des hallucinations, épisodes de somnambulisme, dépression, idées suicidaires, décompensation de pathologies psychiatriques pré-existantes, risque de somnolence diurne, risque de chute chez les personnes âgées. De plus, cette molécule semble interagir avec le cytochrome P450, faisant craindre de nombreuses interactions médicamenteuses.

    Concernant la Valériane :

    « La Valériane c’est cool, si si t’inquiète crois-moi frère« 

    Un certain Twittos de renommée nationale fan de bonbons ronds et colorés

    Dans Premiers Choix Prescrire en Décembre 2020, la Valériane se retrouve dans les 1er choix médicamenteux en cas de « mauvais sommeil chez l’adulte », avec une « efficacité modeste ».

    Les sources citées dans cet article :

    • Revue Prescrire 2008 :  “Plaintes de mauvais sommeil : autant que possible, éviter les somnifères” Rev Prescrire 2008 ; 28 (292) : 111-118
    • Revue Prescrire 2005 :  “Plainte d’insomnie : une place pour la phytothérapie traditionnelle” Rev Prescrire 2005 ; 25 (258) : 110-114

    On note que « les quelques résultats favorables reposent sur des essais de faible qualité méthodologique », l’essai le plus notable est un essai comparatif randomisé extrait sec de valériane versus placebo pendant 28 jours, mené en Allemagne en 1994 chez 121 patients insomniaques sans maladie organique ni psychiatrique. Sur plusieurs critères d’évaluation subjective de la qualité du sommeil par le patient, l’extrait de valériane a été plus efficace que le placebo de manière statistiquement significative. Notamment, l’efficacité a été jugée “bonne” à “très bonne” par 66% des patients traités par valériane versus 26% du groupe placebo. Toutefois, globalement, le sommeil de tous les patients a été amélioré au fil du temps (NB : cette étude est non accessible à ce jour).

    Le reste des études citées, dont une revue de littérature, ne montrait pas d’efficacité versus placebo.

    Prescrire semble se baser surtout sur l’absence d’effets indésirables rapportés, et le quasi effet placebo pour recommander la Valériane.

    Ailleurs sur le web :

    • Cochrane 2006 (25): la Valériane dans le trouble anxieux : 1 seul RCT inclus avec 36 patient·es, valériane VS diazepam VS placebo : pas de différence significative entre valériane et diazepam selon l’échelle d’Hamilton
    • Revue systématique et méta-analyse American Journal of Medicine 2006 (26): la Valériane pour le sommeil : 16 essais inclus pour 1093 patient·es (avec des différences significatives dans les méthodologies), 2 études ont noté des améliorations dans les groupes valériane mais n’ont pas présenté suffisamment d’informations pour déterminer si les changements étaient statistiquement significatifs par rapport au groupe placebo, dans 6 études l’utilisation de la valériane s’est avérée presque doubler les chances de mieux dormir par rapport au placebo (RR d’amélioration du sommeil = 1,8, IC à 95 %, 1,2-2,9) (avec une hétérogénéité parmi les études), 9 des études incluses ont rapporté l’effet de la valériane sur la « latence subjective d’endormissement », parmi lesquelles 2 ont signalé des améliorations significatives respectivement de 16,7 minutes et 14 minutes, 5 des études incluses ont utilisé des enregistrements polysomnographiques du sommeil pour évaluer les effets de la valériane sur le sommeil sans différence significative
    • Revue systématique Sleep Medicine Reviews de 2007 (27): « safe but not effective » bon au moins c’est clair, avec 29 essais inclus et la plupart ne retrouvaient pas de différence VS placebo
    • Revue de littérature du Royal Australian College of General Pracitioners 2010 (28): 12 études incluses, 9 de ces études ont montré que la valériane était efficace pour améliorer au moins un des paramètres de sommeil mesurés (avec des biais méthodologiques)
    • Revue systématique et méta-analyse de 2020 (29): 60 études incluses (n=6,894), 13 (sur 23) études ont montré une efficacité de la Valériane sur le sommeil, mais pas de différence significative des administrations répétées sur la qualité du sommeil, 6 études (sur 7) ont montré une efficacité significative sur l’anxiété, pas d’EI significatifs
    • RCT Oman Médical Journal de 2021 (30)sur les effets de la valériane chez des patients hémodialisés : la valériane montre un effet significatif sur la qualité du sommeil, les symptômes de l’anxiété et de la dépression

    En résumé :

    – Ne pas prescrire de benzodiazépines si possible

    – TCC en 1er choix si trouble du sommeil chronique

    – Privilégier benzodiazépines à 1/2 vie courte si nécessaire (oxazépam)

    – Déprescrire en réduisant progressivement les doses

    – Proposer +++ la déprescription (faible NNT !)

    – Valériane en alternative possible

    Meme avec Drake : 
- Prescrire des benzos
- Déprescrire + TCC
    La petite fiche récap’

    Bibliographie :

    1. Mugunthan K, McGuire T, Glasziou P. Minimal interventions to decrease long-term use of benzodiazepines in primary care: a systematic review and meta-analysis. Br J Gen Pract J R Coll Gen Pract. sept 2011;61(590):e573-578.
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    3. Tannenbaum C, Martin P, Tamblyn R, Benedetti A, Ahmed S. Reduction of Inappropriate Benzodiazepine Prescriptions Among Older Adults Through Direct Patient Education: The EMPOWER Cluster Randomized Trial. JAMA Intern Med. 1 juin 2014;174(6):890‑8.
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    6. HAS. Echelle ECAB [Internet]. 2015 [cité 14 mars 2023]. Disponible sur: https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2015-06/fm_-_echelle_ecab.pdf
    7. Arrêt des benzodiazépines et médicaments apparentés : démarche du médecin traitant en ambulatoire [Internet]. Haute Autorité de Santé. [cité 14 mars 2023]. Disponible sur: https://www.has-sante.fr/jcms/c_2038262/fr/arret-des-benzodiazepines-et-medicaments-apparentes-demarche-du-medecin-traitant-en-ambulatoire
    8. deprescribing.org. La prise de benzodiazépine ou d’hypnotique de type Z contre l’insomnie est-elle toujours nécessaire? [Internet]. 2016 [cité 14 mars 2023]. Disponible sur: https://deprescribing.org/wp-content/uploads/2018/04/deprescribing_pamphlet2015_BZRA_fr_vf.pdf
    9. deprescribing.org. Algorithme de déprescription des benzodiazépines et “Z-drugs” (BZRA) [Internet]. 2018 [cité 14 mars 2023]. Disponible sur: https://deprescribing.org/wp-content/uploads/2019/04/deprescribing-algorithm-benzodiazepines-2018-fr-1.pdf
    10. CNGE, Renard V, Mercier A. Réduire la sur-prescription de benzodiazépines et apparentés. 14 sept 2016 [cité 15 mars 2023]; Disponible sur: https://www.cnge.fr/media/docs/cnge_site/cnge/140916_-_CP_CS_CNGE__Reduire_la_surprescription_de_benzodiazepines_et_apparentes__.pdf
    11. Pottie K, Thompson W, Davies S, Grenier J, Sadowski CA, Welch V, et al. Deprescribing benzodiazepine receptor agonists: Evidence-based clinical practice guideline. Can Fam Physician. 1 mai 2018;64(5):339‑51.
    12. Premiers Choix Prescrire : Mauvais sommeil chez un adulte. Prescrire. sept 2020;40(446):918.
    13. Stratégies : Quelques éléments pour le choix d’une benzodiazépine dans les plaintes de mauvais sommeil. Prescrire. mai 2018;38(415):356.
    14. Assurance Maladie. Choix d’une benzodiazépine  dans les troubles anxieux ou les troubles du sommeil chez le sujet de plus de 65 ans polypathologique ou de plus de 75 ans [Internet]. 2014 [cité 21 mars 2023]. Disponible sur: https://www.omedit-normandie.fr/media-files/483/memo_benzo_cnam_10_2014.pdf
    15. Infos-Patients – Réussir l’arrêt d’une benzodiazépine. Prescrire. déc 2018;1(12):382.
    16. deprescribing.org. DÉPRESCRIRE : RÉDUIRE LES MÉDICAMENTS EN TOUTE SÉCURITÉ POUR RÉPONDRE AUX CHANGEMENTS DE LA VIE PLEINS FEUX SUR LES AGONISTES DES RÉCEPTEURS DES BENZODIAZÉPINES ET LES HYPNOTIQUES Z (BZRA) [Internet]. [cité 14 mars 2023]. Disponible sur: https://deprescribing.org/wp-content/uploads/2018/06/Deprescribing-focus-on-BZRAs-FR.pdf
    17. Buysse DJ, Rush AJ, Reynolds CF III. Clinical Management of Insomnia Disorder. JAMA. 28 nov 2017;318(20):1973‑4.
    18. Penninkilampi R, Eslick GD. [p1–586]: Benzodiazepine Use Is Associated with an Increased Risk of Dementia: A Systematic Review and Meta-Analysis. Alzheimers Dement.2017;13(7S_Part_10):P520‑1.
    19. Mysliwiec V, Martin JL, Ulmer CS, Chowdhuri S, Brock MS, Spevak C, et al. The Management of Chronic Insomnia Disorder and Obstructive Sleep Apnea: Synopsis of the 2019 U.S. Department of Veterans Affairs and U.S. Department of Defense Clinical Practice Guidelines. Ann Intern Med. 3 mars 2020;172(5):325‑36.
    20. Liira J, Verbeek J, Ruotsalainen J. Pharmacological Interventions for Sleepiness and Sleep Disturbances Caused by Shift Work. JAMA. 3 mars 2015;313(9):961‑2.
    21. Baandrup L, Ebdrup BH, Rasmussen JØ, Lindschou J, Gluud C, Glenthøj BY. Pharmacological interventions for benzodiazepine discontinuation in chronic benzodiazepine users. Cochrane Database Syst Rev [Internet]. 2018 [cité 24 mars 2023];(3). Disponible sur: https://www.cochranelibrary.com/cdsr/doi/10.1002/14651858.CD011481.pub2/full?highlightAbstract=melatonin
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    23. Fatemeh G, Sajjad M, Niloufar R, Neda S, Leila S, Khadijeh M. Effect of melatonin supplementation on sleep quality: a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. J Neurol. janv 2022;269(1):205‑16.
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    26. Valerian for Sleep: A Systematic Review and Meta-Analysis – The American Journal of Medicine [Internet]. [cité 4 avr 2023]. Disponible sur: https://www.amjmed.com/article/S0002-9343(06)00275-0/fulltext
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    29. Valerian Root in Treating Sleep Problems and Associated Disorders—A Systematic Review and Meta-Analysis – Noriko Shinjyo, Guy Waddell, Julia Green, 2020 [Internet]. [cité 4 avr 2023]. Disponible sur: https://journals-sagepub-com.ressources-electroniques.univ-lille.fr/doi/10.1177/2515690X20967323
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    32. Shash D, Kurth T, Bertrand M, Dufouil C, Barberger-Gateau P, Berr C, et al. Benzodiazepine, psychotropic medication, and dementia: A population-based cohort study. Alzheimers Dement J Alzheimers Assoc. mai 2016;12(5):604‑13.
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    35. Association between Development of Dementia and Use of Benzodiazepines: A Systematic Review and Meta‐Analysis – Lucchetta – 2018 – Pharmacotherapy: The Journal of Human Pharmacology and Drug Therapy – Wiley Online Library [Internet]. [cité 6 avr 2023]. Disponible sur: https://accpjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/phar.2170
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    40. Aldaz P, Garjón J, Beitia G, Beltrán I, Librero J, Ibáñez B, et al. Association between benzodiazepine use and development of dementia. Med Clin (Barc). 12 févr 2021;156(3):107‑11.
    41. AlDawsari A, Bushell TJ, Abutheraa N, Sakata S, Al Hussain S, Kurdi A. Use of sedative-hypnotic medications and risk of dementia: A systematic review and meta-analysis. Br J Clin Pharmacol. févr 2022;88(4):1567‑89.
    42. Gerlach LB, Myra Kim H, Ignacio RV, Strominger J, Maust DT. Use of Benzodiazepines and Risk of Incident Dementia: A Retrospective Cohort Study. J Gerontol A Biol Sci Med Sci. 5 mai 2022;77(5):1035‑41.
    43. Associations of Benzodiazepines, Z-Drugs, and Other Anxiolytics With Subsequent Dementia in Patients With Affective Disorders: A Nationwide Cohort and Nested Case-Control Study – PubMed [Internet]. [cité 6 avr 2023]. Disponible sur: https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32252539/
    44. Biétry FA, Pfeil AM, Reich O, Schwenkglenks M, Meier CR. Benzodiazepine Use and Risk of Developing Alzheimer’s Disease: A Case-Control Study Based on Swiss Claims Data. CNS Drugs. mars 2017;31(3):245‑51.
    45. Davies SJ, Rudoler D, de Oliveira C, Huang A, Kurdyak P, Iaboni A. Comparative safety of chronic versus intermittent benzodiazepine prescribing in older adults: A population-based cohort study. J Psychopharmacol Oxf Engl. avr 2022;36(4):460‑9.
  • Littérature

    Revue de littérature : AINS et infections, mythe ou réalité ? (actualisation)

    Pour retrouver toutes mes revues de littérature, vous pouvez cliquer ici !

    Bonjour ! Dans la lignée des revues de littérature, après l’ORL (ici et ), cet article va faire suite à la revue de littérature réalisée en 2014 par @Mimiryudo, disponible ici.

    GTA 4 : "ah shit, here we go again"

    Pour rappel, voici ce qui était décrit dans la littérature à l’époque :

    Dans la littérature, nous trouvons des arguments plutôt contre la iatrogénie des AINS :
    – Un comprimé unique d’AINS était bien toléré à 1 heure de la prise (4),
    – Sur 17 effets indésirables liés aux AINS sur 461 dans la région de Calabre (Italie), aucun n’était infectieux (5),
    – D’après une méta-analyse sur 17 études contrôlées versus placebo (1820 patients), il n’y a pas plus d’effets indésirables sous AINS que sous… placebo ! (6) (On reparlera un peu en-dessous de nombre de sujets nécessaires.) Une autre étude trouve la même chose sur 1069 participants (7).
    Et nous trouvons aussi des arguments plutôt pour
    – Sur 7 fasciites nécrosantes survenus entre 1983 et 1985, 5 ont évolué de façon fulminante, et étaient toutes les 5 sous AINS (8),
    – 50 % de 8 patients présentant une cellulite étaient traités par AINS (9),
    – 47 % de 17 patients ayant présenté une cellulite étaient sous AINS ou corticoïdes (et 88 % sous antibiotiques) (10),
    – 47 % des 51 patients ayant une cellulite cutanée (pas forcément ORL) nécrotique « chirurgicale » étaient sous AINS contre 24 % des 45 patients ayant une cellulite « non chirurgicale » (p < 0,002) (11),
    – 40 % des 130 patients présentant une fasciite nécrosante faciale étaient sous AINS, 27 % sous corticoïdes (ces derniers étaient associés à une extension médiastinale ; les AINS n’y étaient pas associés) (12),
    – 52 % des 267 patients ayant présenté une cellulite dentaire à Lille entre le 30 avril et le 31 octobre 2006 étaient sous AINS. Il y avait plus de lymphangite sous AINS (8 vs 1, soit 5,7 % vs 0,8 %, p = 0,028), mais pas plus de diffusion cervicale ou temporale… – – Les patients sous AINS étaient également plus souvent sous antibiotiques que les autres (88 vs 54 soit 62,4% vs 42,8%, p = 0,001) (13)
    – D’après l’étude du Pr. Reyt (dont je parlais ici), 65 % de 412 patients ayant présenté un abcès péri-amygdalien étaient sous AINS (et 39 % sous antibiotiques),
    – La Revue Prescrire est également en faveur d’une éviction des AINS dans les infections ORL (14) : le contraire qui aurait été très surprenant.

    La question est la suivante : quelles sont les nouvelles données disponibles dans la littérature depuis 2014 concernant le lien entre la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens et l’aggravation de pathologies infectieuses ?

    Sur le plan urinaire :

    • BMJ 2015 concernant la prise d’ibuprofène et les infections urinaires non compliquées chez la femme : plus de symptômes pénibles dans le groupe Ibuprofène et de durée plus longue versus le groupe Fosfomycine. A noter, des cas de pyélonéphrites (5/222 vs 1/224) mais non significatif (p=0,12)
    • BMJ 2017 non infériorité des AINS (Diclofenac) VS antibiotique (Norfloxacine) dans les infections urinaires non compliquées chez la femme : le Diclofenac est inférieur que ce soit en durée des symptômes (54% soulagées à J3 VS 80%) ou en sécurité avec plus de pyélonéphrites survenues (p=0,03)
    • PLOS Medicine 2018 non infériorité des AINS (Ibuprofène) VS antibiotique (Pivmecillinam) dans les infections urinaires non compliquées chez la femme : l’Ibuprofène est inférieur au niveau de la durée des symptômes, avec la survenue de pyélonéphrites (NNH = 26)
    • Clinical Microbiology and Infection 2019 qui évalue la prise d’extrait de Uva-Ursi (de l’homéopathie) et/ou d’Ibuprofène dans les infections urinaires non compliquées chez la femme : pas de différence avec un placebo en terme de durée de symptômes, pas de survenue de pyélonéphrites

    Sur le plan ORL :

    • Annales françaises d’ORL et de pathologie cervico- faciale 2015 étude rétrospective sur 70 patients ayant présenté une cellulite cervico-faciale : la prise d’AINS a été retrouvée chez 80 % des patients, avec 2 cas d’atteinte médiastinale d’évolution fatale
    • Thèse de médecine 2017 étude épidémiologique sur les risques de phlegmon après une angine : 105 802 angines chez environ 68 000 patients ayant consulté pour une angine entre 1995 et 2010 ont été incluses dans l’analyse. 48 cas de phlegmons ont été recensés chez 47 patients dans les 15 jours suivant un diagnostic d’angine, soit 1 phlegmon pour 2 204 angines. Le risque de phlegmon a été plus grand chez les patients ayant reçu comme antalgique un AINS : la fréquence des phlegmons a été de 1 phlegmon pour 1 158 angines, avec un RR de 2,6 (IC95 : 1,4 à 4,5).
    • Annales françaises d’ORL et de pathologie cervico-faciale 2020 étude rétrospective sur l’Ibuprofène comme facteur de risque de complications des sinusites antérieures aiguës de l’enfant et de l’adolescent, portant sur 120 enfants : la fréquence des complications locorégionales infectieuses a été environ 5 fois plus grande chez les enfants exposés à l’ibuprofène que dans le groupe non exposé RR de 4,8 (IC95 : 1,8 à 12,9). La différence a surtout porté sur les complications intracrâniennes (RR = 2,8 ; IC95 : 1,1 à 7,2).
    • PAMJ 2022 étude rétrospective sur 109 cas de cellulites orbitaires en Tunisie : l’utilisation préalable d’AINS était associée avec des cellulites rétroseptales (p=0,014)
    • Prescrire novembre 2022, Premiers choix, Angine aiguë (Rev Prescrire 2023 ; 43 (471) : 57) : ils recommandent de limiter l’utilisation d’AINS en raison d’un risque d’aggravation des infections (c’était déjà le cas dans leur article en 2019 (Rev Prescrire 2019 ; 39 (431) : 688-690))
    • Journal Français d’Ophtalmologie 2022 étude rétrospective sur 168 cas sur la prise en charge de la cellulite péri-orbitaire aux urgences pédiatriques au Maroc : la prise préalable d’anti-inflammatoires non stéroïdiens a été notée dans 6 % des cas

    Concernant la fièvre :

    • JAMA 2020 revue systématique et méta analyse (19 études incluses) du Paracétamol VS Ibuprofène dans le traitement à court terme des fièvres ou douleurs de l’enfant < 2 ans : la fièvre baisse plus rapidement et il y a moins de douleurs avec l’Ibuprofène, tout en gardant un profil de tolérance équivalent avec le paracétamol

    Pharmacovigilance :

    • En 2016, suite à plusieurs alertes, l’ANSM a interrogé la base nationale française de pharmacovigilance. 547 observations ont été analysées : 340 adultes et enfants âgés de plus de 15 ans, et 207 enfants âgés de moins de 15 ans. Les AINS impliqués ont été l’ibuprofène (66 % des cas), le kétoprofène (17 %), et pour un moindre nombre de cas le diclofénac, l’acide niflumique, l’acide tiaprofénique, le flurbiprofène et le naproxène. 36 patients sont morts, dont 6 enfants, à la suite notamment d’un choc septique (16 cas), une fasciite nécrosante (5 cas), une cellulite ou une dermohypodermite (5 cas)
    • En 2019, l’ANSM a rappelé que les AINS exposent à des aggravations d’infections, y compris avec des durées de traitement courtes
    • En 2020, suite à une étude menée auprès des centres régionaux de pharmacovigilance de Tours et de Marseille sur l’ibuprofène et le kétoprofène, l’ANSM alerte : 337 cas de complications infectieuses avec l’ibuprofène et 49 cas avec le kétoprofène ont été retenus après avoir pris en compte uniquement les cas les plus graves chez des enfants ou des adultes (souvent jeunes) sans facteur de risque ni comorbidité. Il s’agit d’infections sévères de la peau et des tissus mous (dermohypodermites, fasciites nécrosantes,…), de sepsis, d’infections pleuro-pulmonaires (pneumonies compliquées d’abcès, de pleurésie), d’infections neurologiques (empyèmes, abcès cérébraux,…) ou ORL compliquées (cellulites, médiastinites,…), à l’origine d’hospitalisations, de séquelles voire de décès. Ces complications infectieuses (essentiellement à Streptocoque ou à Pneumocoque ) ont été observées après de très courtes durée de traitement (2 à 3 jours), y compris lorsque la prise d’AINS était associée à une antibiothérapie.

    En conclusion : prudence ! Mais on attend toujours une étude prospective de forte puissance pour conclure de manière formelle…

    A plus dans l’bus ! (oui c’est une expression de boomer, kestufaver?)